Sensorialité autistique : troublée ou différente ?

La sensorialité des personnes autistes est souvent perçue comme une dysfonction ou un trouble. Cependant, nous pensons que cette vision est réductrice car elle ne prend pas en compte la complexité et la diversité des expériences sensorielles autistiques. Bien que ces particularités puissent être handicapantes dans certains contextes, elles sont intrinsèquement liées à la structuration cognitive propre à l'autisme.

Les différents sens : une base pour comprendre

Pour appréhender la sensorialité autistique, il est essentiel de comprendre les différents sens et leur fonctionnement :

  • Le goût : perception des saveurs telles que le sucré, le salé, l'acide, l'amer et l'umami.
  • L'odorat : détection des odeurs grâce aux récepteurs olfactifs situés dans la cavité nasale.
  • Le toucher : sensation des stimuli tactiles, de la pression, de la texture et de la température via les récepteurs cutanés.
  • La vue : perception des images, des formes, des couleurs et des mouvements par les yeux.
  • L'ouïe : détection des sons, de leur intensité, de leur fréquence et de leur localisation par les oreilles.
  • La proprioception : perception de la position et du mouvement des parties du corps, permettant la coordination des mouvements.
  • Le système vestibulaire : perception de l'équilibre et du mouvement, essentiel pour la stabilité posturale.

Ces sens interagissent constamment pour fournir une perception cohérente de l'environnement. Chez les personnes autistes, cette intégration sensorielle peut être différente, entraînant des expériences sensorielles uniques.

Un traitement sensoriel unique

Le cerveau des personnes autistes traite les informations sensorielles différemment, souvent de manière consciente et sans les filtres automatiques présents chez les personnes non autistes. Cela signifie que toutes les informations — lumières, sons, textures, odeurs — sont perçues et analysées simultanément, sans hiérarchisation. Cette absence de filtrage peut être difficile (pouvant aller jusqu'au shutdown), surtout dans des environnements riches en stimuli, comme les lieux publics, les centres commerciaux, les open spaces, etc.

Une étude menée par des chercheurs des universités de Case Western Reserve et de Toronto a révélé que le cerveau des enfants autistes génère en moyenne 42 % d'informations supplémentaires au repos par rapport à des enfants non autistes( https://www.frontiersin.org/journals/neuroinformatics/articles/10.3389/fninf.2013.00037/full ). Cette surproduction d'informations pourrait expliquer la surcharge cognitive que ressentent souvent les personnes autistes, même en l'absence de stimuli externes. Cela souligne que la gestion des informations sensorielles diffère selon le contexte : en fonction de l'environnement, du niveau de stimulation présent et de l'état émotionnel, les capacités d'adaptation du cerveau autiste varient significativement.

Les conséquences de l’absence de filtrage

L'impact d'une perception sans filtre est immense. Imaginez un environnement bruyant, lumineux et odorant, comme un supermarché ou un aéroport. Alors qu'une personne non autiste (on parle de personne alliste) pourrait naturellement "éliminer" certains de ces stimuli, une personne autiste devra traiter chaque information en parallèle. Cela peut conduire à un état d'hypervigilance constant, limitant la capacité à interagir avec l'environnement ou à accomplir des tâches de la vie quotidienne.

Hypersensibilité et hyposensibilité : des réalités complexes

Chaque sens peut présenter des variations de sensibilité chez les personnes autistes :

  • Hypersensibilité : perception exacerbée des stimuli sensoriels. Par exemple, une lumière modérée peut être perçue comme éblouissante, ou un bruit de fond comme insupportable.
  • Hyposensibilité : perception atténuée des stimuli, nécessitant une intensité accrue pour être détectés. Par exemple, une personne peut ne pas réagir à des sons forts ou rechercher des sensations tactiles intenses.
  • Variabilité : un même sens peut alterner entre hypersensibilité et hyposensibilité selon les moments, les contextes ou l'état émotionnel de la personne.

Ces particularités sensorielles sont influencées par divers facteurs, notamment l'environnement de vie. Par exemple, une personne autiste ayant grandi en milieu urbain pourrait développer une tolérance différente aux stimuli sonores par rapport à une personne ayant vécu dans un environnement rural. De plus, la fatigue, le stress ou l'état émotionnel peuvent moduler la sensibilité sensorielle, rendant certaines situations plus difficiles à gérer.

La surcharge sensorielle

La surcharge sensorielle survient lorsque le cerveau est submergé par une quantité excessive de stimuli, dépassant sa capacité de traitement. Même après une journée agréable, une accumulation de stimulations peut conduire à une surcharge, se manifestant par de l'anxiété, de l'irritabilité ou un besoin urgent de s'isoler.

Symptômes et conséquences

Les symptômes de surcharge peuvent inclure :

  • Difficultés à communiquer ou à se concentrer.
  • Augmentation de l’anxiété ou des comportements auto-apaisants.
  • Retrait soudain d'une situation sociale.

La surcharge peut également avoir des conséquences physiques, comme des maux de tête ou une fatigue extrême.

Stratégies et outils pour gérer la sensorialité

Profil sensoriel

Faire réaliser un profil sensoriel par un·e professionnel·le est une première étape essentielle. Cela permet d'identifier les sensibilités spécifiques et d'adapter l'environnement en conséquence.

Outils pratiques

  • Fidgets toys : ces objets, souvent manipulables ou à mâcher, peuvent aider à recentrer l'attention et apaiser les sensations.
  • Casques anti-bruit : utiles dans les environnements bruyants pour réduire les distractions sonores.
  • Zones de calme : prévoir des espaces où une personne peut se retirer pour se ressourcer.

Modifications de l’environnement

  • Réduction des stimulations visuelles : éclairages tamisés, couleurs apaisantes.
  • Contrôle des bruits : limiter les sources de sons imprévisibles.
  • Textures adaptées : vêtements confortables et à textures agréables.

Importance de l'isolement temporaire

Parfois, la seule solution est de s'isoler pour permettre au cerveau de se réinitialiser. Ce n'est pas un signe de faiblesse, mais une stratégie efficace pour prévenir une surcharge prolongée et une crise autistique.

Vers une meilleure compréhension et inclusion

Comprendre la sensorialité autistique n'est pas simplement une question de définir des déficiences, mais d'appréhender une perception différente du monde. Cela nécessite un changement de paradigme dans notre façon d'aborder l'autisme. Une telle compréhension favorise l'inclusion de la neurodiversité, en permettant à chacun d'évoluer dans un environnement adapté et respectueux des différences.

Adopter une approche informée et sans préjugés, tout en offrant des outils pratiques, est essentiel pour permettre aux personnes autistes de vivre pleinement leur expérience sensorielle, non comme un trouble, mais comme une richesse à part entière.

Tout Simplement.

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