Quand la neurodiversité inspire : art, politique et engagement au féminin

L'histoire de la société est jalonnée de figures brillantes, mais toutes n'ont pas bénéficié de la même reconnaissance. Les femmes ont longtemps été écartées des sphères de pouvoir, qu'il s'agisse de la politique, de l'art ou du militantisme. Lorsqu'elles ont réussi à s'y imposer, leurs contributions ont souvent été minimisées, critiquées, voire moquées. Ce phénomène est encore plus marqué pour les femmes autistes, qui ont dû non seulement surmonter les obstacles liés à leur genre, mais aussi ceux liés à leur neurodivergence.

L'autisme est souvent associé à une manière unique d'appréhender le monde : une pensée analytique et structurelle, une perception fine des détails, une passion pour des sujets spécifiques et un engagement profond dans les causes qui leur tiennent à cœur. Ces qualités, bien que sous-estimées dans le passé, sont des atouts majeurs dans l’engagement politique, artistique et social. Dans cet article, nous mettons en lumière plusieurs femmes autistes qui ont marqué ces domaines et examinons comment leur manière de penser a façonné leur travail, leur engagement et l’impact qu’elles ont eu.

Femmes autistes engagées en politique, dans l’art et l’humour

Greta Thunberg : L’écologie portée par la rigueur autistique

Greta Thunberg est aujourd’hui une figure emblématique du militantisme écologique. Diagnostiquée autiste, elle a initié un mouvement mondial pour le climat en lançant des grèves scolaires. Son discours direct et précis, son refus de compromis face aux enjeux climatiques et son engagement sans relâche sont caractéristiques des personnes autistes.

Lors de son intervention à l'Assemblée nationale française, elle a été moquée par plusieurs personnalités politiques. Guillaume Larrivé (Les Républicains) l’a qualifiée de "prophétesse en culottes courtes", tandis que Julien Aubert (Les Républicains) a évoqué un "gourou apocalyptique" et une "manipulation". Jean-Louis Thiériot (Les Républicains) a ajouté : "Je préfère la science à l'émotion, le rationnel à l'irrationnel", tandis qu'Emmanuelle Ménard (apparentée Rassemblement National) tweetait que "Greta Thunberg, c'est la dictature de l'émotion et de l'irrationnel".

Qu’il est ironique de voir ces responsables politiques, prétendus défenseurs de la rationalité, s'enfermer dans des attaques purement émotionnelles et creuses, alors même que Thunberg incarne une pensée structurée et factuelle. Manifestement, chez certains, la rationalité est à géométrie variable ! Loin d’être un frein, son autisme lui permet de maintenir une constance dans son message, malgré la pression médiatique et politique. Elle-même affirme : « Être différente est un super-pouvoir ».

Jessica Benham : Une voix politique pour la neurodiversité

Jessica Benham est la première militante autiste élue en connaissance de cause à une législature d'État aux États-Unis (Pennsylvanie). Engagée dans la défense des droits des personnes autistes et d’autres minorités, elle a œuvré pour des lois visant à protéger les travailleurs handicapés et à améliorer l’accessibilité des espaces publics.

Benham a souvent expliqué comment son autisme a façonné sa manière d’analyser les problématiques politiques, de structurer ses discours et de défendre ses convictions sans se laisser influencer par la pression des lobbies. Son approche factuelle et méthodique lui permet de se concentrer sur les faits et les réformes concrètes, plutôt que sur le jeu politique traditionnel.

Babouillec (Hélène Nicolas) : La puissance des mots au-delà du langage

Babouillec, de son vrai nom Hélène Nicolas, est une poétesse et écrivaine française diagnostiquée autiste et non verbale. Malgré l’absence de langage oral, elle communique à travers l’écriture et produit des œuvres d’une profondeur et d’une richesse exceptionnelles. Son livre Algorithme éponyme a été adapté en documentaire (Dernières nouvelles du cosmos), illustrant comment elle structure sa pensée et exprime une perception du monde fulgurante et sensorielle.

Son travail remet en question notre rapport au langage et à la communication. Elle incarne l’idée que la pensée autistique, souvent perçue comme « enfermée » dans des codes différents, peut produire des œuvres bouleversantes et universelles. Sa poésie montre comment la structure autistique de la pensée influence l’art et la création en général.

Olivia Cattan : Une plume engagée pour l’autisme et l’égalité

Olivia Cattan est une journaliste, écrivaine et militante française engagée pour les droits des personnes autistes et l’égalité des sexes. Fondatrice de l’association SOS Autisme France, elle œuvre pour une meilleure reconnaissance de l’autisme et une inclusion plus large des personnes concernées.

À travers ses ouvrages et interventions, elle met en avant les difficultés rencontrées par les femmes autistes, souvent sous-diagnostiquées et confrontées à des stéréotypes tenaces. Son engagement reflète la nécessité de briser les idées reçues sur l’autisme et d’en montrer toutes les facettes.

Fern Brady : L’humour comme outil de réflexion

Fern Brady, humoriste autiste, utilise la scène pour parler de son expérience et de sa vision du monde. Son humour repose sur l’absurde, une observation fine des détails de la société et une approche directe du langage. Son regard décalé permet de remettre en question les normes sociales tout en sensibilisant le public à la neurodiversité.

« Je préfère être une femme autiste qu'une neurotypique. J'ai toujours eu l'impression que les femmes regardaient autour d'elles ce que faisaient les autres femmes et étaient influencées par leurs pairs. Si j'avais été plus influencée par mes pairs, je ne sais pas ce que je serais devenue. » — Fern Brady

Vidéo recommandée :

• Fern Brady - Autistic in a Non-Autistic World : Une vidéo où Fern Brady parle avec humour et lucidité de son expérience en tant que femme autiste dans un monde majoritairement neurotypique.

Comment l’autisme façonne la pensée, l’engagement et l’expression artistique

L’autisme influence profondément la manière dont une personne analyse, crée et s’engage. Qu’il s’agisse de politique, d’art ou d’humour, cette singularité cognitive façonne une approche du monde qui se distingue par plusieurs aspects interconnectés.

La perception sensorielle et émotionnelle intense des personnes autistes nourrit leur créativité et leur sensibilité artistique. Chaque détail est perçu avec une acuité particulière, ce qui permet une vision du monde souvent plus riche et nuancée. Cette hypersensibilité sensorielle peut se traduire par une attention exacerbée aux couleurs, aux sons ou aux émotions, influençant directement leur manière de créer et d’interagir avec leur environnement.

Le mode de pensée structuré et analytique des personnes autistes leur permet d’aborder les problématiques politiques avec rigueur et constance. La précision, la logique et la recherche de cohérence sont au cœur de leur démarche. Ce mode de pensée, souvent perçu comme intransigeant, se révèle en réalité être une capacité à se focaliser sur l’essentiel, en évitant les digressions et les compromis inutiles. C’est ce qui permet à certaines figures, comme Greta Thunberg, de maintenir un discours inébranlable face aux critiques.

L’hyperfocus, caractéristique fréquente de l’autisme, favorise un investissement profond et passionné dans des domaines d’intérêt spécifiques. Qu’il s’agisse d’art, de politique ou d’humour, cette capacité à se concentrer intensément sur un sujet permet une maîtrise et une expertise hors du commun. Cette implication sans relâche permet à ces femmes de dépasser les obstacles et d’apporter des contributions marquantes dans leurs disciplines respectives.

Enfin, l’empathie autistique, souvent mal comprise, est un moteur puissant de l’engagement. Contrairement aux idées reçues, les personnes autistes ne manquent pas d’empathie, mais elles l’expriment différemment. Leur engagement pour des causes sociales, écologiques ou artistiques est souvent profond et sincère, motivé par une quête de justice et d’authenticité qui dépasse les conventions sociales. Cette forme d’empathie se traduit par une implication totale dans des combats qu’elles jugent essentiels et non par une simple adhésion à des normes sociales prédéfinies.

Ainsi, l’autisme, loin d’être un frein, est un moteur puissant de création, de réflexion et d’engagement. Il façonne une manière unique d’aborder le monde et d’y laisser une empreinte indélébile.

Au delà de l'autisme et des préjugés. 

Les femmes autistes présentées ici ont marqué le monde par leur engagement, leur art ou leur humour. Elles ne sont pas seulement des figures autistiques, elles sont avant tout des individus ayant contribué de manière unique à la société. Leur fonctionnement neurodivergent n'est pas une entrave, mais une force qui leur permet d'aborder le monde différemment et d'y apporter une richesse indéniable.

Il est essentiel de ne pas voir l'autisme uniquement sous l'angle du déficit ou de la difficulté, mais aussi sous celui du potentiel et de l’innovation. Ce fonctionnement spécifique induit des variations dans la manière de percevoir, de comprendre et de transmettre, mais il constitue également une source immense de créativité et de réflexion. Les accomplissements de ces femmes illustrent que l’autisme ne doit pas être perçu uniquement comme une série de défis, mais aussi comme une perspective unique qui enrichit notre société.

La diversité cognitive ne doit pas être simplement tolérée, mais pleinement intégrée et valorisée, car elle est un moteur essentiel d’innovation et de transformation sociale. Ces femmes nous rappellent que la neurodiversité n’est pas un frein, mais une autre manière d’être, de penser et de créer.

Tout Simplement.

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Sources

• Thunberg, G. (2019). No One Is Too Small to Make a Difference.
• Benham, J. (2020). Advocacy and Policy for Neurodivergent Individuals.
• Nicolas, H. (2014). Algorithme éponyme.
• Cattan, O. (2021). Le combat d’une mère pour son fils autiste.
• Brady, F. (2023). Strong Female Character.
• Vidéo : Fern Brady - Autistic in a Non-Autistic World.