Les difficultés liées au sommeil et au réveil chez les Autistes et TDAH : Non ce n'est pas une question de volonté

Le sommeil est un processus physiologique fondamental impliquant une régulation fine par des mécanismes hormonaux, neuronaux et comportementaux. Chez les individus neurotypiques, ces mécanismes permettent une alternance relativement stable entre les états d'éveil et de repos, rythmée par des cycles circadiens bien synchronisés avec l’environnement. Toutefois, chez les personnes autistes ou ayant un trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), ces régulations peuvent être altérées ou différenciées, entraînant des difficultés spécifiques tant à l’endormissement qu’au réveil.

Plusieurs études ont mis en évidence une prévalence élevée de troubles du sommeil chez les adultes autistes et TDAH, souvent décrits sous les angles de l’insomnie, du retard de phase, ou de la fatigue persistante au réveil. Ces difficultés sont souvent interprétées dans une perspective pathologique, sans prise en compte suffisante de leur dimension adaptative ou liée à des fonctionnements neurobiologiques différents.

Dans cette article, nous proposons une vulgarisation transversale et approfondie des mécanismes du sommeil et du réveil chez les adultes autistes et/ou TDAH. Notre objectif est double :

  1. Présenter les mécanismes physiologiques qui sous-tendent ces difficultés, en mobilisant les données issues de la littérature scientifique.

  2. Proposer une compréhension fondée sur la neurodiversité, en évitant la stigmatisation ou la réduction à des troubles individuels, pour favoriser une approche inclusive et contextualisée.

Nous insistons sur cet aspect : ces difficultés, souvent minimisées ou mal interprétées, ne relèvent ni d’un défaut de volonté ni d’un manque de rigueur personnelle. Elles s’ancrent dans des réalités physiologiques, neurochimiques et sensorielles qui échappent souvent au regard extérieur et aux standards sociaux.

Ce travail a pour vocation d’explorer ces fonctionnements sans les réduire à des pathologies. Il vise à rendre compte d’un fonctionnement spécifique, sans culpabilisation, en contribuant à une meilleure compréhension des besoins liés au sommeil et à l’éveil chez les personnes autistes et TDAH.

À noter : si le terme "troubles" est parfois repris dans les noms officiels des diagnostics ou dans certaines études, nous privilégierons l’usage de "profils neurodivergents" ou de formulations neutres dans le corps de texte.

1. Comprendre le sommeil et le réveil : bases physiologiques

Le sommeil et le réveil résultent de l’interaction dynamique de plusieurs systèmes biologiques. Ils sont régulés par une horloge interne, le système circadien, qui synchronise les fonctions de l’organisme sur une base d’environ 24 heures. Ce système est influencé par des signaux externes (comme la lumière), mais aussi par des signaux internes, dont la sécrétion hormonale. Trois éléments principaux jouent un rôle clé dans cette régulation : l’horloge circadienne centrale, la mélatonine et le cortisol.

1.1 Le rythme circadien : une horloge biologique interne

L’horloge circadienne est située dans le noyau suprachiasmatique (NSC) de l’hypothalamus. Cette structure reçoit directement des signaux lumineux provenant de la rétine et ajuste ainsi les cycles physiologiques internes à l’alternance jour/nuit. C’est ce système qui permet à l’organisme de maintenir un cycle régulier de veille et de sommeil, mais aussi de température corporelle, de sécrétion hormonale, et d’appétit.

Chez une personne neurotypique, cette horloge fonctionne de manière relativement stable et permet l’alignement des rythmes internes avec les rythmes sociaux. Cependant, chez les personnes autistes et/ou avec un TDAH, on observe fréquemment des désynchronisations : l’horloge interne est souvent décalée, ce qui rend l’endormissement et surtout le réveil plus difficiles.

[Figure 1 : Schéma du cycle circadien typique montrant l’évolution de la température corporelle, du cortisol et de la mélatonine sur 24h]

1.2 Le rôle de la mélatonine

La mélatonine est une hormone synthétisée principalement par la glande pinéale (ou épiphyse) en réponse à l’absence de lumière. Elle est souvent appelée à tort "hormone du sommeil". En réalité, la mélatonine ne déclenche pas le sommeil, mais signale au corps qu’il fait nuit. C’est une hormone chronobiotique, c’est-à-dire qu’elle joue un rôle essentiel dans le réglage de l’horloge biologique.

Sa production commence généralement en début de soirée (vers 21h chez les adultes neurotypiques), atteint un pic durant la nuit (vers 2-3h du matin), puis diminue progressivement avant le réveil. Elle influence l’endormissement de manière indirecte en abaissant la température corporelle et en modulant l’activité de certaines zones cérébrales impliquées dans la vigilance.

Chez les personnes autistes ou TDAH, plusieurs études ont montré que la sécrétion de mélatonine pouvait être décalée dans le temps, réduite en intensité, voire irrégulière. Ces variations perturbent l’ajustement des cycles veille/sommeil, contribuant au retard d’endormissement et à une mauvaise synchronisation du réveil.

1.3 Le cortisol et l’éveil

Le cortisol est une hormone stéroïdienne produite par les glandes surrénales, connue pour son rôle dans la réponse au stress. Mais elle est aussi essentielle à la régulation du rythme veille/sommeil. Le Cortisol Awakening Response (CAR) désigne la hausse rapide du taux de cortisol dans les 30 à 45 minutes qui suivent le réveil spontané chez une personne neurotypique.

Cette augmentation prépare activement le corps à sortir du sommeil : elle stimule l’éveil cérébral, favorise la mobilisation de l’énergie (via la libération de glucose) et active l’attention. Une absence ou un affaiblissement de cette réponse peut rendre le réveil particulièrement difficile, avec une sensation de lourdeur, de confusion mentale ou de fatigue persistante.

Des études ont montré que chez certaines personnes autistes ou TDAH, cette réponse est atténuée ou retardée, ce qui contribue à une impression de réveil inachevé, même après une nuit en apparence suffisante.

2. Inertie du sommeil : un redémarrage plus lent

Le réveil n’est pas un processus immédiat. Contrairement à ce que laisse penser l’ouverture des yeux, le cerveau ne bascule pas instantanément de l’état de sommeil à un état de vigilance optimal. La période qui suit ce moment est appelée inertie du sommeil (sleep inertia), et elle se caractérise par un ralentissement temporaire des fonctions cognitives. Durant cette phase, la concentration est faible, les réflexes ralentis, et la sensation générale est souvent celle d’une confusion ou d’une lourdeur persistante.

Chez les adultes neurotypiques, cette inertie dure généralement entre 15 et 30 minutes, bien qu’elle puisse s’étendre jusqu’à deux heures dans certaines conditions, comme un réveil brutal, une dette de sommeil importante ou un décalage du rythme circadien. Les travaux de Tassi & Muzet (2000) ont montré que cette transition lente vers l’éveil correspond à une réactivation progressive des régions frontales du cerveau, notamment celles impliquées dans la planification et les fonctions exécutives.

Chez les personnes autistes ou présentant un TDAH, cette période d’inertie semble plus prononcée, plus longue, et parfois bien plus difficile à surmonter. Cette intensité pourrait s’expliquer par un réveil survenant à un moment non optimal du cycle de sommeil, comme lors d’une phase de sommeil profond, par une désynchronisation globale des rythmes biologiques ou encore par une hypoactivation des circuits dopaminergiques et noradrénergiques qui soutiennent normalement l’éveil et la motivation. Des travaux en neuroimagerie suggèrent que les fonctions frontales se réactivent plus lentement dans ces profils, ce qui se manifeste concrètement par une difficulté à initier des actions simples : sortir du lit, se lever, s’habiller, parler ou simplement orienter son attention dans le temps.

Il est important de noter que cette inertie peut également être influencée par des facteurs sensoriels. Pour une personne hypersensible, les stimulations matinales, comme la lumière vive, les bruits ambiants ou les sollicitations sociales, peuvent être perçues comme trop invasives, voire douloureuses. Ce décalage entre un état d’éveil physiologiquement lent et un environnement qui exige une réactivité immédiate contribue à la surcharge sensorielle dès les premières minutes de la journée.

Certaines personnes rapportent ainsi un sentiment d’hostilité à l’égard du matin, vécu comme une période de transition brutale que leur organisme n’a pas les moyens de traverser rapidement. D’autres évoquent le besoin d’un réveil extrêmement progressif, dans le silence et l’obscurité, pour ne pas aggraver cette inertie naturelle.

[Figure 2 : comparaison de l’évolution de la vigilance post-réveil entre profils neurotypiques et autistes/TDAH]

Loin de représenter une paresse ou un simple retard à l’allumage, l’inertie du sommeil est ici un facteur central de compréhension des difficultés matinales vécues par de nombreuses personnes neurodivergentes. Elle mérite d’être reconnue comme un phénomène neurophysiologique à part entière, et prise en compte dans l’aménagement des horaires de vie, qu’ils soient scolaires, professionnels ou sociaux.

3. Retard de phase et dérèglement du rythme circadien

Le fonctionnement de l’horloge biologique peut différer d’une personne à l’autre, mais chez les personnes autistes et/ou TDAH, on observe fréquemment un décalage plus net : il s’agit du syndrome de retard de phase (Delayed Sleep Phase Disorder, DSPD). Ce phénomène se traduit par une propension naturelle à s’endormir tardivement (souvent après minuit) et à se réveiller bien après les horaires socialement attendus.

Ce décalage n’est pas un trouble du sommeil au sens pathologique, mais une variation du rythme circadien, documentée notamment chez les profils neurodivergents (Van Veen et al., 2010). En revanche, lorsque la personne est contrainte de vivre selon des horaires imposés (travail matinal, obligations sociales), cela génère un jet lag permanent : elle fonctionne en décalage avec sa propre biologie. Ce désalignement chronique entraîne une dette de sommeil, une fatigue accrue au réveil, et aggrave les effets de l’inertie du sommeil.

L’une des confusions fréquentes autour du retard de phase est de le confondre avec de l’insomnie. Pourtant, les personnes concernées ne souffrent pas forcément d’une difficulté à dormir en soi, mais plutôt d’un décalage du moment où le sommeil survient naturellement. Lorsque les contraintes disparaissent (week-end, vacances, horaires libres), leur endormissement et leur réveil se réalignent spontanément.

Cette discordance entre rythme biologique interne et cadre temporel externe peut avoir des conséquences importantes sur la qualité du réveil : se lever au milieu d’un cycle encore actif perturbe l’ensemble du fonctionnement physiologique (température corporelle, sécrétion hormonale, attention). Cela peut également entraîner une forme d’"insomnie comportementale" secondaire, lorsque la personne anticipe des réveils douloureux ou essaie de se coucher tôt sans succès, ce qui renforce l’anxiété et la fragmentation du sommeil.

[Figure 3 : Comparaison des rythmes circadiens entre profils neurotypiques et autistes/TDAH]

Comprendre le retard de phase comme une variation de fonctionnement, et non comme un dysfonctionnement, ouvre la voie à des adaptations concrètes : ajustement des horaires, éclairage progressif, ou accompagnement à la régulation du rythme sans contrainte brutale. Ce regard change tout dans la manière d’aborder les difficultés de réveil chez les personnes neurodivergentes.

4. Cortisol et réveil : un pic hormonal absent ou atténué

Le cortisol est souvent perçu comme une hormone du stress, mais il joue aussi un rôle fondamental dans le cycle veille/sommeil. Sa sécrétion suit un rythme circadien très marqué, avec un pic observable dans les 30 à 45 minutes qui suivent le réveil spontané : c’est ce que l’on appelle la Cortisol Awakening Response (CAR).

Ce pic matinal permet de mobiliser l’énergie, d’augmenter la vigilance et de soutenir l’activation cognitive. Il facilite ainsi la transition entre le sommeil et l’état d’éveil, en stimulant la production de glucose, en agissant sur l’attention, et en renforçant la synchronisation de l’horloge biologique avec les rythmes quotidiens. Chez les personnes neurotypiques, ce mécanisme est robuste et relativement stable dans des conditions normales.

Cependant, plusieurs études ont mis en évidence des altérations du CAR chez les personnes autistes ou avec un TDAH. Corbett et al. (2009) ont observé un pic plus faible, voire absent chez certains enfants autistes, tandis que Juster et al. (2011) ont décrit des profils similaires chez des adultes TDAH. Cette réponse atténuée entraîne une sensation de fatigue prolongée, une baisse de l’élan cognitif au réveil, et une difficulté à mobiliser les ressources mentales pour commencer la journée.

La réponse au réveil dépend aussi du moment où il intervient dans le cycle circadien. Un réveil anticipé (par obligation scolaire ou professionnelle) peut survenir avant que le pic de cortisol ne soit naturellement enclenché, aggravant la sensation d’épuisement. Cela renforce l’idée que le réveil, chez ces profils, est souvent "forcé" biologiquement, et non aligné avec les processus internes.

[Figure 4 : Profil du cortisol sur 24h, comparaison entre neurotypique et autiste/TDAH]

Ces données soulignent l’importance d’un réveil adapté au rythme propre de chacun. Un pic de cortisol atténué ou mal synchronisé peut avoir des répercussions sur l’humeur, la concentration, la capacité d’adaptation, et aggraver l’inertie du sommeil. Il devient alors crucial de penser des modalités de réveil qui respectent les rythmes individuels, en particulier chez les personnes neurodivergentes.

5. Neurotransmetteurs et motivation à se lever

Le passage de l'état de sommeil à l'éveil actif ne dépend pas uniquement des rythmes hormonaux ou de la température corporelle ; il implique également des neurotransmetteurs, ces messagers chimiques essentiels à la communication neuronale. Parmi eux, la dopamine et la noradrénaline jouent un rôle crucial dans la motivation, la concentration et l'activation comportementale.

5.1 La dopamine : moteur de la motivation

La dopamine est souvent associée au système de récompense du cerveau, influençant la motivation et la capacité à initier des actions. Chez les personnes TDAH, des recherches ont mis en évidence des altérations dans la transmission dopaminergique. Par exemple, une revue critique récente souligne que des anomalies dans la signalisation de la dopamine peuvent contribuer aux symptômes du TDAH (Frontiers in Psychiatry, 2024).

Ces dysfonctionnements peuvent se traduire par une difficulté à mobiliser l'énergie mentale nécessaire pour passer à l'action, même après un réveil physiologique. Ainsi, malgré une conscience éveillée, l'absence d'élan motivationnel peut rendre le lever particulièrement ardu.

5.2 La noradrénaline : vigilance et attention

La noradrénaline, autre neurotransmetteur clé, est impliquée dans la régulation de l'attention, de la vigilance et de la réponse au stress. Des études ont suggéré que le transporteur de la noradrénaline (NET) joue un rôle critique dans le TDAH (Translational Psychiatry, 2019). Une altération de la disponibilité du NET pourrait affecter la capacité à maintenir l'attention et à répondre adéquatement aux stimuli environnementaux, notamment lors du réveil.

Cette hypoactivation du système noradrénergique peut entraîner une sensation de fatigue mentale persistante et une difficulté à se concentrer dès le matin, exacerbant ainsi les défis liés au réveil chez les individus neurodivergents.

5.3 Implications pour le réveil chez les personnes neurodivergentes

La combinaison de ces dysfonctionnements dopaminergiques et noradrénergiques peut expliquer pourquoi certaines personnes TDAH éprouvent des difficultés significatives à se lever, même après une nuit de sommeil suffisante. Le manque de motivation intrinsèque, couplé à une vigilance réduite, rend le processus de réveil non seulement physique mais aussi cognitivement exigeant.

Reconnaître ces mécanismes neurobiologiques permet de mieux comprendre les défis rencontrés par les personnes neurodivergentes et d'envisager des stratégies adaptées pour faciliter la transition du sommeil à l'éveil.

6. Surcharge sensorielle dès le matin

Le réveil ne constitue pas seulement une transition biologique : il marque également un basculement vers un environnement sensoriel souvent perçu comme inconfortable, voire envahissant. Chez les personnes autistes (et plus largement chez les personnes avec un profil sensoriel atypique) les premières minutes du matin peuvent être vécues comme une agression.

Les stimuli classiques du quotidien (bruits de la maison, lumières vives, parole soudaine, contact physique) peuvent susciter une surcharge immédiate. Cette réactivité exacerbée est liée à une hyperréactivité sensorielle, phénomène largement documenté chez les personnes autistes (Robertson & Baron-Cohen, 2017). Le système nerveux, déjà en pleine transition entre deux états de vigilance, se trouve confronté à une intensité de signaux qu’il n’est pas prêt à traiter.

Dès lors, les réponses peuvent varier : repli dans le silence, lenteur extrême, évitement du contact, voire shutdowns sensoriels temporaires. Ces manifestations ne relèvent pas de la mauvaise volonté, mais d’un besoin de protection neurologique face à un trop-plein sensoriel.

Chez certaines personnes TDAH, cette surcharge peut aussi se combiner avec une impulsivité motrice ou émotionnelle. Le passage d’un état de sous-stimulation interne (liée à la dopamine) à une sur-stimulation externe (sons, lumière, contraintes) peut créer un déséquilibre qui perturbe l’entrée dans la journée.

Comprendre cette réalité permet d’adapter les environnements et les routines de réveil : lumière graduelle, limitation des bruits soudains, temps de transition sans interactions sociales, ou structuration du lever par des repères doux et prévisibles. Ce sont autant de moyens d’amortir le choc sensoriel du matin, et d’en faire une étape plus fluide et respectueuse du fonctionnement sensoriel de chacun.

7. La mélatonine comme complément : pas si simple

L’usage de la mélatonine en complément alimentaire est courant chez les personnes autistes ou présentant un TDAH, notamment pour réguler le rythme veille/sommeil ou favoriser l’endormissement. Bien qu’elle soit en vente libre dans de nombreux pays, son efficacité dépend fortement du moment de la prise, de la formulation utilisée, et du profil biologique de la personne.

Contrairement à une idée répandue, la mélatonine n’est pas une hormone sédative. Elle ne provoque pas le sommeil, mais agit comme un synchroniseur : elle signale à l’organisme qu’il est temps de se préparer au repos nocturne. C’est une hormone chronobiotique, dont l’effet dépend essentiellement du moment où elle est administrée relativement à l’horloge biologique interne.

Lorsqu’elle est prise trop tard dans la soirée, ou en pleine nuit (ce qui arrive fréquemment lorsqu’on cherche à « rattraper » un endormissement difficile), elle peut avoir pour effet de prolonger artificiellement l’effet de nuit dans l’organisme. Résultat : le réveil devient plus difficile, la sécrétion naturelle de cortisol est retardée, et l’inertie du sommeil s’en trouve amplifiée.

De plus, les formulations à libération prolongée (surtout en cas de dosage élevé) peuvent aggraver ce phénomène en maintenant une concentration de mélatonine élevée jusqu’au petit matin, ce qui perturbe le pic de vigilance naturel. Dans ce cas, la mélatonine agit moins comme un régulateur de cycle que comme un frein aux mécanismes du réveil.

La mélatonine peut être utile dans certains contextes, notamment chez les personnes dont le rythme circadien est sévèrement décalé ou en cas de travail de nuit. Mais pour qu’elle soit bénéfique, un accompagnement médical ou chronobiologique est fortement recommandé, avec une attention particulière à la posologie, à l’horaire exact de prise (souvent 2 à 3 heures avant l’endormissement naturel souhaité), et à la sensibilité individuelle.

En résumé: 

[Figue 5: Impact de l'heure de prise de mélatonine sur la difficulté du réveil.]

Ce graphique illustre l’impact du moment de la prise de mélatonine sur la facilité du réveil. Une prise entre 3 et 4 heures avant l’endormissement naturel tend à favoriser un rythme circadien plus stable et un réveil plus fluide. À l’inverse, une prise trop tardive (juste avant de dormir ou après le coucher naturel) peut entraîner un décalage du cycle biologique et un réveil plus difficile, en prolongeant artificiellement la signalisation nocturne dans le cerveau. Cette visualisation aide à comprendre pourquoi le bon timing est aussi important que le dosage dans l’usage de la mélatonine.

[Figure 5 : Profil de libération de la mélatonine en fonction de sa libération lente ou prolongée.]

La formulation à libération immédiate est conçue pour mimer la sécrétion naturelle de mélatonine en soirée : elle atteint rapidement un pic qui signale efficacement au cerveau qu’il fait nuit. Elle est adaptée aux personnes ayant un endormissement tardif mais un rythme global stable.

En revanche, la formulation à libération prolongée libère la mélatonine plus lentement pendant plusieurs heures. Bien qu’elle puisse être utile en cas de réveils nocturnes, elle peut maintenir des concentrations élevées jusqu’au matin, perturbant ainsi le réveil et la reprise du cycle d’éveil.

Un choix non adapté au profil individuel ou un horaire de prise mal calibré peut entraîner une inertie du réveil plus marquée. Un accompagnement par un professionnel de santé est recommandé.

8. Outils, stratégies et pistes d’adaptation

Comprendre les mécanismes biologiques et sensoriels du réveil chez les personnes autistes ou TDAH permet de proposer des pistes d’adaptation concrètes, pensées non pas comme des corrections, mais comme des aménagements respectueux du fonctionnement individuel.

8.1 Créer un environnement sensoriel apaisé

Le réveil peut être rendu plus fluide en aménageant l’environnement pour éviter une surcharge sensorielle. L’utilisation de lumières douces et progressives (simulateurs d’aube, éclairages indirects) peut remplacer la lumière artificielle agressive. Réduire les bruits soudains, utiliser des textures confortables, et éviter les interactions trop précoces permettent de diminuer la charge sensorielle au moment critique de la transition vers l’éveil.

8.2 Structurer les routines matinales

Mettre en place des routines prévisibles et rassurantes aide le cerveau à se repérer dans le temps et à enclencher progressivement les différentes étapes du réveil. Il ne s’agit pas de viser la performance, mais d’introduire des repères constants (sons, odeurs, gestes familiers) qui permettent à l’organisme de se synchroniser lentement. L’utilisation de supports visuels ou d’aides au déclenchement (musique, alarmes douces, vibrations) peut aussi favoriser l’entrée dans l’action.

8.3 Adapter les horaires si possible

Lorsque le contexte le permet (télétravail, horaires décalés, études à distance), il peut être bénéfique d’adapter les horaires de lever et d’activité aux rythmes biologiques réels. Cela réduit le conflit entre fonctionnement interne et attentes externes, et permet à la personne de mobiliser son énergie à des moments plus propices.

8.4 Explorer les interventions chronobiologiques

La chronothérapie (exposition contrôlée à la lumière), ou la luminothérapie (lampes à spectre large utilisées au lever), peuvent aider à resynchroniser les rythmes internes. Ces outils doivent cependant être utilisés avec précaution et, si possible, sous supervision, car mal employés, ils peuvent renforcer les décalages.

Des approches complémentaires, comme l’aromathérapie, l’ergothérapie ou la neuroéducation, peuvent également aider à identifier les stratégies les plus adaptées à chaque personne.

8.5 Sensibiliser et former l’entourage

L’un des leviers les plus puissants reste la compréhension collective. Lorsque les proches, les collègues ou les institutions sont sensibilisés à ces fonctionnements, ils peuvent ajuster leurs attentes et mettre en place des environnements plus flexibles. Par exemple : décaler les premières réunions, autoriser des temps d’adaptation ou ne pas imposer d’interactions immédiates dès l’arrivée.

Favoriser cette approche, c’est reconnaître que le réveil n’est pas une simple formalité, mais une phase complexe qui mérite d’être prise en compte dans une logique d’accessibilité.

Conclusion

Ce n’est pas un manque de volonté. Ce n’est pas un défaut de discipline. C’est un fonctionnement différent, ancré dans des mécanismes biologiques, hormonaux, neurochimiques et sensoriels qui modulent profondément la façon dont une personne neurodivergente expérimente le sommeil et le réveil.

Tout au long de cet, nous avons vu que ce qui peut être perçu de l’extérieur comme de la lenteur, de la distraction, un « mauvais caractère du matin » ou un refus d’agir, est en réalité souvent le reflet d’une réalité physiologique invisible, mais bien présente. L’inertie du sommeil, les décalages circadiens, la réponse hormonale atténuée, les particularités sensorielles ou encore la moindre mobilisation de certains circuits motivationnels ne relèvent pas d’un échec personnel, mais de variations neurobiologiques.

Mieux comprendre ces réalités, c’est apprendre à distinguer les comportements observés des causes profondes qui les sous-tendent. C’est aussi ouvrir la voie à des adaptations concrètes, respectueuses du fonctionnement de chacun : des environnements plus souples, des horaires plus flexibles, une sensibilisation de l’entourage, et des stratégies personnalisées d’accompagnement.

En changeant notre regard sur le réveil, moment charnière souvent négligé dans les politiques d’inclusion, nous contribuons à créer des espaces plus inclusifs, où chacun peut démarrer sa journée selon ses propres rythmes, sans culpabilité ni surcharge. Car derrière chaque réveil difficile, il y a une explication. Et surtout, il y a une personne qui mérite qu’on prenne le temps de la comprendre.

Tout Simplement.

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Bibliographie

[Suppression des doublons dans la bibliographie et harmonisation du style des entrées. Entrées répétées de Tassi & Muzet, Van Veen, Corbett, Volkow, Robertson, et Juster supprimées.]

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