Autisme, TDAH : S'extraire de la psychanalyse

L’origine du mot "autisme"

Le mot "autisme" est apparu dans le champ de la psychanalyse en 1911, introduit par le psychiatre suisse Eugen Bleuler. Il utilisait ce terme pour décrire un symptôme de la schizophrénie, désignant une forme de repli sur soi. Le mot "autisme" vient du grec "autos", qui signifie "soi". Pour Bleuler, ce terme renvoyait à un état de retrait du monde extérieur au profit d’une vie intérieure dominée par l’égo. Ce concept était alors associé à la théorie freudienne de l’"auto-érotisme", marquant aussi une rivalité intellectuelle entre Bleuler et Freud dans leur conception des troubles psychiques.

L’évolution historique du terme est essentielle pour comprendre comment il est passé d’une simple manifestation schizophrénique à une reconnaissance comme trouble neurodéveloppemental autonome. Pourtant, en France, la psychanalyse est restée longtemps dominante dans l’accompagnement des personnes autistes, influençant durablement la perception sociale de l’autisme et du TDAH (trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité), souvent au détriment des avancées scientifiques et de pratiques fondées sur des preuves. Cette dominance continue d’avoir des conséquences aujourd’hui, se manifestant encore dans les cabinets de professionnels, les amphithéâtres des facultés de psychologie et dans les médias, où les idées psychanalytiques restent fortement ancrées malgré les recommandations officielles et les progrès scientifiques.

La psychanalyse et l’autisme : stéréotypes et théories obsolètes

Malgré les avancées scientifiques, certaines théories psychanalytiques sur l’autisme et le TDAH persistent en France. Ces théories, qui reposent sur des conceptions dépassées, continuent à alimenter des préjugés tenaces et à détourner l’attention des accompagnements basés sur des approches adaptées.

L’autisme comme conséquence de la relation maternelle : L’une des théories les plus répandues est celle de la « mère frigo », selon laquelle l’autisme résulterait d’une carence affective causée par une mère froide et distante. Cette théorie, formulée par Bruno Bettelheim, a causé d’innombrables souffrances aux familles, en culpabilisant les parents plutôt qu’en cherchant des solutions fondées sur la compréhension des besoins spécifiques des enfants.

L’autisme virtuel : Plus récemment, certains psychanalystes ont avancé l’idée d’un « autisme virtuel », liant l’augmentation des diagnostics d’autisme à une surexposition aux écrans. Cette hypothèse, bien qu’éloignée des données scientifiques actuelles, trouve encore un écho dans certaines sphères médiatiques, renforçant des peurs injustifiées.

Le complot de l’industrie pharmaceutique : La psychanalyste Goldmann est allée jusqu’à déclarer que le TDAH était un complot de l’industrie pharmaceutique visant à médicaliser des comportements normaux chez l’enfant. Ce type de discours contribue à la stigmatisation des personnes concernées et à la remise en question de leur diagnostic, freinant l’accès à des accompagnements adaptés et validés par la recherche.

Une approche genrée et excluante de l’autisme

La psychanalyse a également perpétué un biais genré dans la reconnaissance de l’autisme. Pendant longtemps, l’autisme a été considéré comme une condition masculine, les femmes et les filles étant largement sous-diagnostiquées. Cette invisibilisation des femmes autistes a retardé leur reconnaissance et leur accompagnement, les cantonnant souvent à des diagnostics alternatifs comme la dépression, les troubles anxieux ou les troubles de la personnalité.

Les avancées des sciences cognitives et la structuration cognitive particulière

Contrairement aux hypothèses psychanalytiques dépassées, les recherches en sciences cognitives et en neurosciences ont permis de mieux comprendre l’autisme et le TDAH comme une structuration cognitive particulière et non simplement comme des troubles neurodéveloppementaux. Ces avancées montrent que l’autisme repose sur une organisation cérébrale spécifique, caractérisée par une perception et un traitement de l’information différents, remettant ainsi en question les anciennes conceptions pathologiques.

La théorie de l’esprit : une vision controversée

La « théorie de l’esprit » a longtemps été utilisée pour expliquer les difficultés des personnes autistes à interpréter les intentions d’autrui. Selon ce modèle, les personnes autistes seraient en déficit de la capacité à comprendre les états mentaux des autres, ce qui expliquerait certains aspects de leur communication.

Cependant, ce modèle a été largement critiqué, notamment par des chercheurs autistes. Damian Milton a proposé la théorie du « double empathie », qui remet en cause cette vision unilatérale. Selon lui, les difficultés d’interprétation sont réciproques : elles résultent d’une différence mutuelle dans les styles de communication entre personnes autistes et neurotypiques, plutôt que d’un déficit spécifique chez les premières.

La théorie de la connectivité atypique : confirmations et critiques

Cette théorie repose sur des études d’imagerie cérébrale, comme celles de Just et al. (2007), qui montrent une connectivité locale accrue et une connectivité à longue distance réduite dans le cerveau des personnes autistes. Ces résultats semblent expliquer certaines particularités cognitives, notamment la forte attention aux détails et les difficultés d’intégration des informations globales.

Néanmoins, cette théorie n’est pas sans critiques. Michelle Dawson, chercheuse autiste, a souligné que ce modèle peut renforcer une vision pathologisante de l’autisme, en présentant ces différences comme des anomalies à corriger plutôt que comme des variantes légitimes du fonctionnement cérébral. Happé et Frith (2020) ont également remis en question l’universalité de ce modèle, notant que la variabilité individuelle des personnes autistes est trop grande pour être expliquée uniquement par des différences de connectivité.

Les apports des neurosciences : Les techniques d’imagerie cérébrale ont révélé des différences structurales et fonctionnelles dans le cerveau des personnes autistes, confirmant une origine biologique et non environnementale ou relationnelle.

Le rejet de la psychanalyse dans les accompagnements officiels

En août 2021, un décret publié au Journal Officiel a confirmé le rejet de l’approche psychanalytique dans l’accompagnement des personnes autistes en France. Cette décision fait suite aux recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS), qui préconise des interventions basées sur les preuves scientifiques. Ces interventions incluent les approches comportementales, les soutiens éducatifs et les approches d’intégration sensorielle, qui respectent les spécificités de chaque individu.

S’extraire de la psychanalyse, une nécessité

Pour avancer vers une société inclusive et respectueuse de la neurodiversité, il est essentiel de s’émanciper des conceptions psychanalytiques de l’autisme et du TDAH. Plutôt que de chercher à normaliser ou à masquer les différences, nous devons promouvoir une meilleure compréhension et une acceptation des singularités neurodivergentes.

Toutefois, il est important de nuancer ce propos. Si une personne adulte, pleinement consciente de son fonctionnement, souhaite engager une démarche psychanalytique en connaissance de cause et avec une notion claire de consentement éclairé, où la personne est pleinement informée des implications et des limites de cette démarche, cette démarche peut être respectée. En revanche, il est impératif que cette thérapie ne soit jamais imposée à une personne vulnérable ou incapable de poser ses propres limites.

En nous détachant de la psychanalyse, nous pouvons ouvrir la voie à des approches basées sur les connaissances scientifiques et promouvoir la fierté autistique, une notion essentielle pour valoriser les singularités de chacun. Cette fierté ne signifie pas nier les défis liés à l’autisme, mais reconnaître ses forces uniques, sa richesse cognitive et la diversité qu’il apporte à la société. Il est temps de faire place à une véritable inclusion où chaque personne peut se développer selon ses propres modalités.

Tout Simplement.

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